Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/184

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choisi par eux, ils s’en vont, cherchant ailleurs des pâturages pour leurs troupeaux et laissant une seule famille à la garde des récoltes.

Nous sommes à présent dans un immense domaine de 140,000 hectares, qu’on nomme l’Enfida, et qui appartient à des Français. L’achat de cette propriété démesurée, vendue par le général Kheir-ed-Din, ex-ministre du bey, a été une des causes déterminantes de l’influence française en Tunisie.

Les circonstances qui ont accompagné cet achat sont amusantes et caractéristiques. Quand les capitalistes français et le général se furent mis d’accord sur le prix, on se rendit chez le cadi pour rédiger l’acte ; mais la loi tunisienne contient une disposition spéciale qui permet aux voisins limitrophes d’une propriété vendue de réclamer la préférence à prix égal.

Chez nous, par prix égal, on entendrait exprimer une somme égale en n’importe quelles espèces ayant cours ; mais le code oriental, qui laisse toujours ouverte une porte pour les chicanes, prétend que le prix sera payé par le voisin réclamant en monnaies identiquement pareilles : même nombre de titres de même nature, de billets de banque de même valeur, de pièces d’or, d’argent ou de cuivre. Enfin, afin de rendre, en