Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/84

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de menues colonnes enfermant un petit jardin qui repose l’oeil sans l’égarer, sans l’entraîner, sans le distraire !

Mais les cloîtres de nos pays ont parfois une sévérité un peu trop monacale, un peu trop triste, même les plus jolis, comme celui de Saint-Wandrille, en Normandie. Ils serrent le cœur et assombrissent l’âme.

Qu’on aille visiter le cloître désolé de la chartreuse de la Verne, dans les sauvages montagnes des Maures. Il donne froid jusque dans les moelles.

Le merveilleux cloître de Monreale jette, au contraire, dans l’esprit une telle sensation de grâce qu’on y voudrait rester presque indéfiniment. Il est très grand, tout à fait carré, d’une élégance délicate et jolie ; et qui ne l’a point vu ne peut pas deviner ce qu’est l’harmonie d’une colonnade. L’exquise proportion, l’incroyable sveltesse de toutes ces légères colonnes, allant deux par deux, côte à côte, toutes différentes, les unes vêtues de mosaïques, les autres nues ; celles-ci couvertes de sculptures d’une finesse incomparable, celles-là ornées d’un simple dessin de pierre qui monte autour d’elles en s’enroulant comme grimpe une plante, étonnent le regard, puis le charment, l’enchantent, y engendrent