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un soir

— Mes compliments.

Nous avions contourné une sorte de môle et nous étions, maintenant, dans une petite baie pleine de hauts rochers dont les ombres avaient l’air de tours bâties dans l’eau, et je m’aperçus, tout à coup, que la mer était phosphorescente. Les avirons qui la battaient lentement, à coups réguliers, allumaient dedans, à chaque tombée, une lueur mouvante et bizarre qui traînait ensuite au loin derrière nous, en s’éteignant. Je regardais, penché, cette coulée de clarté pâle, émiettée par les rames, cet inexprimable feu de la mer, ce feu froid qu’un mouvement allume et qui meurt dès que le flot se calme. Nous allions dans le noir, glissant sur cette lueur, tous les trois.

Où allions-nous ? Je ne voyais point mes voisins, je ne voyais rien que ces remous lumineux et les étincelles d’eau projetées par les avirons. Il faisait chaud, très chaud. L’ombre semblait chauffée dans un four, et mon cœur se troublait de ce voyage mystérieux avec ces deux hommes dans cette barque silencieuse.

Des chiens, les maigres chiens arabes au poil roux, au nez pointu, aux yeux luisants, aboyaient