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un soir

voix, les rires, les discussions, et je cessais d’écrire parfois, pour écouter. Je m’étais mis en secret à composer un roman — que je n’ai pas fini.

Les habitués les plus assidus étaient M. Montina, un rentier, un grand garçon, un beau garçon, un beau du Midi, à poil noir, avec des yeux complimenteurs, M. Barbet, un magistrat, deux commerçants, MM. Faucil et Labarrègue, et le général marquis de Flèche, le chef du parti royaliste, le plus gros personnage de la province, un vieux de soixante-six ans.

Les affaires marchaient bien. J’étais heureux, très heureux.

Voilà qu’un jour, vers trois heures, en faisant des courses, je passai par la rue Saint-Ferréol et je vis sortir soudain d’une porte une femme dont la tournure ressemblait si fort à celle de la mienne que je me serais dit : « C’est elle ! » si je ne l’avais laissée, un peu souffrante, à la boutique une heure plus tôt. Elle marchait devant moi, d’un pas rapide, sans se retourner. Et je mis à la suivre presque malgré moi, surpris, inquiet.