Page:Maupassant - La main gauche, Ollendorff, 1903.djvu/209

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
195
les épingles

— Eh bien, lui dis-je ?

Elle répondit tranquillement :

— Mon cher, je n’ai pas pu, j’ai été empêchée,

— Par quoi ?

— Par… des occupations.

— Mais… quelles occupations ?

— Une visite ennuyeuse.

Je pensai qu’elle ne voulait pas me dire la vraie raison, et, comme elle était très calme, je ne m’en inquiétai pas davantage. Je comptais rattraper le temps perdu, le lendemain, avec l’autre.

Le mardi donc, j’étais très… très ému et très amoureux, en expectative, de la petite ministère, et même étonné qu’elle ne devançât pas l’heure convenue. Je regardais la pendule à tout moment suivant l’aiguille avec impatience.

Je la vis passer le quart, puis la demie, puis deux heures… Je ne tenais plus en place, traversant à grandes enjambées ma chambre, collant mon front à la fenêtre et mon oreille contre la porte pour écouter si elle ne montait pas l’escalier.

Voici deux heures et demie, puis trois heures ! Je saisis mon chapeau et je cours chez elle. Elle lisait, mon cher, un roman !