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les épingles

— Parbleu. Mais comment ? Ah ! j’en ai eu du tourment avant de l’apprendre.

— Comment l’as-tu su enfin ?

— Par lettres. Elles m’ont donné, le même jour, dans les mêmes termes, mon congé définitif.

— Et ?

— Et voici… Tu sais, mon cher que les femmes ont toujours sur elles une armée d’épingles. Les épingles à cheveux, je les connais, je m’en méfie, et j’y veille, mais les autres sont bien plus perfides, ces sacrées petites épingles à tête noire qui nous semblent toutes pareilles, à nous grosses bêtes que nous sommes, mais qu’elles distinguent, elles, comme nous distinguons un cheval d’un chien.

Or, il paraît qu’un jour ma petite ministère avait laissé une de ces machines révélatrices piquée dans ma tenture, près de ma glace.

Mon habitude, du premier coup, avait aperçu sur l’étoffe ce petit point noir gros comme une puce, et sans rien dire l’avait cueilli, puis avait laissé à la même place une de ses épingles à elle, noire aussi, mais d’un modèle différent.

Le lendemain, la ministère voulut reprendre son bien et reconnut aussitôt la substitution ;