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duchoux

Le train roulait, longeant le Rhône sablonneux, puis traversait des plaines jaunes, des villages clairs, un grand pays fermé au loin par des montagnes nues.

Le baron de Mordiane, réveillé après une nuit en sleeping, se regardait avec mélancolie dans la petite glace de son nécessaire. Le jour cru du Midi lui montrait des rides qu’il ne se connaissait pas encore : un état de décrépitude ignoré dans la demi-ombre des appartements parisiens.

Il pensait, en examinant le coin des yeux, les paupières fripées, les tempes, le front dégarnis :

— Bigre, je ne suis pas seulement défraîchi. Je suis avancé.

Et son désir de repos grandit soudain, avec une vague envie, née en lui pour la première fois, de tenir sur ses genoux ses petits-enfants.

Vers une heure de l’après-midi, il arriva dans un landau loué à Marseille, devant une de ces maisons de campagne méridionale si blanches, au bout de leur avenue de platanes, qu’elles éblouissent et font baisser les yeux. Il souriait en suivant l’allée et pensait :

— Bigre, c’est gentil !