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allouma

sans l’appeler. Cela m’arrivait à tout moment.

Sur un de ces grands tapis rouges en haute laine du Djebel-Amour, épais et doux comme des matelas, une femme, une fille, presque nue, dormait, les bras croisés sur ses yeux. Son corps blanc, d’une blancheur luisante sous le jet de lumière de la toile soulevée, m’apparut comme un des plus parfaits échantillons de la race humaine que j’eusse vus. Les femmes sont belles par ici, grandes, et d’une rare harmonie de traits et de lignes.

Un peu confus, je laissai retomber le bord de la tente et je rentrai chez moi.

J’aime les femmes ! L’éclair de cette vision m’avait traversé et brûlé, ranimant en mes veines la vieille ardeur redoutable à qui je dois d’être ici. Il faisait chaud, c’était en juillet, et je passai presque toute la nuit à ma fenêtre, les yeux sur la tache sombre que faisait à terre la tente de Mohammed.

Quand il entra dans ma chambre, le lendemain, je le regardai bien en face, et il baissa la tête comme un homme confus, coupable. Devinait-il ce que je savais ?