Page:Maupassant - La main gauche, Ollendorff, 1903.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
hautot père et fils

ce frère, de ce petit bonhomme de cinq ans, qui était le fils de son père, le tracassait, l’ennuyait un peu et l’échauffait en même temps. C’était une espèce de famille qu’il avait là dans ce mioche clandestin qui ne s’appellerait jamais Hautot, une famille qu’il pouvait prendre ou laisser à sa guise, mais qui lui rappelait le père.

Aussi quand il se vit sur la route de Rouen, le jeudi matin, emporté par le trot sonore de Graindorge, il sentit son cœur plus léger, plus reposé qu’il ne l’avait encore eu depuis son malheur.

Quand il entra dans l’appartement de Mlle Donet, il vit la table mise comme le jeudi précédent, avec cette seule différence que la croûte du pain n’était pas ôtée.

Il serra la main de la jeune femme, baisa Émile sur les joues et s’assit, un peu comme chez lui, le cœur gros tout de même. Mlle Donet lui parut un peu maigrie, un peu pâlie. Elle avait dû rudement pleurer. Elle avait maintenant un air gêné devant lui comme si elle eût compris ce qu’elle n’avait pas senti l’autre semaine sous le premier coup de son malheur, et elle le traitait avec des égards excessifs, une humilité douloureuse, et