Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli, OC, Conard, 1909.djvu/294

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Ma chérie, nous avons aux mains le plus terrible pouvoir qui soit : l’amour.

L’homme, doué de sa force physique, l’exerce par la violence. La femme, douée du charme, domine par la caresse. C’est notre arme, arme redoutable, invincible, mais qu’il faut savoir manier.

Nous sommes, sache-le bien, les maîtresses de la terre. Raconter l’histoire de l’Amour depuis les origines du monde, ce serait raconter l’homme lui-même. Tout vient de là, les arts, les grands événements, les mœurs, les coutumes, les guerres, les bouleversements d’empires.

Dans la Bible, tu trouves Dalila, Judith ; dans la Fable, Omphale, Hélène ; dans l’Histoire, les Sabines, Cléopâtre et bien d’autres.

Donc, nous régnons, souveraines toutes-puissantes. Mais il nous faut, comme les rois, user d’une diplomatie délicate.

L’Amour, ma chère petite, est fait de finesses, d’imperceptibles sensations.

Nous savons qu’il est fort comme la Mort ; mais il est aussi fragile que le verre. Le moindre choc le brise et notre domination s’écroule alors, sans que nous puissions la rééditer.

Nous avons la faculté de nous faire adorer,