Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/107

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avec cette pensée que ma bougie demeure allumée sur ma table de nuit et qu’il faudrait pourtant l’éteindre. Et je n’ose pas.

N’est-ce pas affreux, d’être ainsi ?

Autrefois, je n’éprouvais rien de cela. Je rentrais tranquillement. J’allais et je venais en mon logis sans que rien troublât la sérénité de mon âme. Si l’on m’avait dit quelle maladie de peur invraisemblable, stupide et terrible, devait me saisir un jour, j’aurais bien ri ; j’ouvrais les portes dans l’ombre avec assurance : je me couchais lentement, sans pousser les verrous et je ne me relevais jamais au milieu des nuits pour m’assurer que toutes les issues de ma chambre étaient fortement closes.

Cela a commencé l’an dernier d’une singulière façon.

C’était en automne, par un soir humide. Quand ma bonne fut partie, après mon dîner, je me demandai ce que j’allai faire. Je marchai quelque temps à travers ma chambre. Je me sentais las, accablé sans raison, incapable de travailler, sans force même pour lire. Une pluie fine mouillait les vitres ; j’étais triste, tout pénétré par une de ces tristesses sans causes qui vous donnent envie de pleurer, qui vous font désirer à n’im-