Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/257

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

J’ai été élevé par des parents simples qui croyaient à tout. Et j’ai cru comme eux.

Mon rêve dura longtemps. Les derniers lambeaux viennent seulement de se déchirer.

Depuis quelques années déjà un phénomène se passe en moi. Tous les événements de l’existence qui, autrefois, resplendissaient à mes yeux comme des aurores, me semblent se décolorer. La signification des choses m’est apparue dans sa réalité brutale ; et la raison vraie de l’amour m’a dégoûté même des poétiques tendresses.

Nous sommes les jouets éternels d’illusions stupides et charmantes toujours renouvelées.

Alors, vieillissant, j’avais pris mon parti de l’horrible misère des choses, de l’inutilité des efforts, de la vanité des attentes, quand une lumière nouvelle sur le néant de tout m’est apparue, ce soir, après dîner.

Autrefois, j’étais joyeux ! Tout me charmait : les femmes qui passent, l’aspect des rues, les lieux que j’habite ; et je m’intéressais même à la forme de mes vêtements. Mais la répétition des mêmes visions a fini par m’emplir le cœur de lassitude et d’ennui, comme il arriverait pour un spectateur entrant chaque soir au même théâtre.