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l’héritage

d’esprit et qui en voulait personnellement à Lesable de lui avoir dérobé l’espoir de fortune qu’il nourrissait dans le fond de son cœur, lui demanda directement : « Qu’est-ce que vous avez donc, Lesable, vous êtes fort pâle ? »

Lesable releva la tête et regarda bien en face son collègue. Il hésita quelques secondes, la lèvre frémissante, cherchant quelque chose de blessant et de spirituel, mais ne trouvant pas à son gré, il répondit : « Je n’ai rien. Je m’étonne seulement de vous voir déployer tant de finesse. »

Maze, toujours le dos au feu et relevant de ses deux mains les basques de sa redingote, reprit en riant : « On fait ce qu’on peut, mon cher. Nous sommes comme vous, nous ne réussissons pas toujours… »

Une explosion de rires lui coupa la parole. Le père Savon, stupéfait, comprenant vaguement qu’on ne s’adressait plus à lui, qu’on ne se moquait pas de lui, restait bouche béante, la plume en l’air. Et Cachelin attendait, prêt à tomber à coups de poing sur le premier que le hasard lui désignerait.

Lesable balbutia : « Je ne comprends pas. À quoi n’ai-je pas réussi ? »

Le beau Maze laissa retomber un des côtés de sa redingote pour se friser la moustache et, d’un ton gracieux : « Je sais que vous réussissez d’ordinaire à tout ce que vous entreprenez. Donc,