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l’héritage

Et Lesable, levant les yeux, s’aperçut de leur ressemblance. Il lui sembla qu’un voile se levait qui les lui montrait tels qu’ils étaient, le père et la fille, du même sang, de la même race commune et grossière. Il se vit perdu, condamné à vivre entre les deux, toujours.

Cachelin déclara : « Si seulement on pouvait divorcer. Ça n’est pas agréable d’avoir épousé un chapon. »

Lesable se dressa d’un bond, tremblant de fureur, éclatant à ce mot. Il marcha vers son beau-père, en bredouillant : « Sortez d’ici !… Sortez !… Vous êtes chez moi, entendez-vous… Je vous chasse… » Et il saisit sur la commode une bouteille pleine d’eau sédative qu’il brandissait comme une massue.

Cachelin, intimidé, sortit à reculons en murmurant : « Qu’est-ce qui lui prend, maintenant ! »

Mais la colère de Lesable ne s’apaisa point ; c’en était trop. Il se tourna vers sa femme, qui le regardait toujours, un peu étonnée de sa violence, et il cria, après avoir posé sa bouteille sur le meuble : « Quant à toi… quant à toi… » Mais, comme il ne trouvait rien à dire, n’ayant pas de raisons à donner, il demeurait en face d’elle, le visage décomposé, la voix changée.

Elle se mit à rire.

Devant cette gaîté qui l’insultait encore, il devint fou, et s’élançant, il la saisit au cou de la