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denis

Il aurait pu certainement gagner une aisance plus considérable en profitant du décès de confrères établis en des centres importants, pour aller occuper leur place et prendre leur clientèle. Mais l’ennui de déménager, et la pensée de toutes les démarches qu’il lui faudrait accomplir, l’avaient sans cesse retenu ; et il se contentait de dire après deux jours de réflexion :

— Baste ! ce sera pour la prochaine fois. Je ne perds rien à attendre. Je trouverai mieux peut-être.

Denis, au contraire, poussait son maître aux entreprises. D’un caractère actif, il répétait sans cesse :

— Oh ! moi, si j’avais eu le premier capital, j’aurais fait fortune. Seulement mille francs, et je tenais mon affaire.

M. Marambot souriait sans répondre et sortait dans son petit jardin, où il se promenait, les mains derrière le dos, en rêvassant.

Denis, tout le jour, chanta, comme un homme en joie, des refrains et des rondes du pays. Il montra même une activité inusitée, car il nettoya les carreaux de toute la maison, essuyant le verre avec ardeur, en entonnant à plein gosier ses couplets.

M. Marambot, étonné de son zèle, lui dit à plusieurs reprises, en souriant :

— Si tu travailles comme ça, mon garçon, tu ne garderas rien à faire pour demain.