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mon oncle jules

dent, pour que ce garnement ne nous retombe pas sur les bras, maintenant !

Mon père s’éloigna, mais je le suivis. Je me sentais étrangement ému.

Le capitaine, un grand monsieur, maigre, à longs favoris, se promenait sur la passerelle d’un air important, comme s’il eût commandé le courrier des Indes.

Mon père l’aborda avec cérémonie, en l’interrogeant sur son métier avec accompagnement de compliments :

— Quelle était l’importance de Jersey ? Ses productions ? Sa population ? Ses mœurs ? Ses coutumes ? La nature du sol, etc., etc.

On eût cru qu’il s’agissait au moins des États-Unis d’Amérique.

Puis on parla du bâtiment qui nous portait, l’Express ; puis on en vint à l’équipage. Mon père, enfin, d’une voix troublée :

— Vous avez là un vieil écailleur d’huîtres qui paraît bien intéressant. Savez-vous quelques détails sur ce bonhomme ?

Le capitaine, que cette conversation finissait par irriter, répondit sèchement :

— C’est un vieux vagabond français que j’ai trouvé en Amérique l’an dernier, et que j’ai rapatrié. Il a, paraît-il, des parents au Havre, mais il ne veut pas retourner près d’eux, parce qu’il leur doit de l’argent. Il s’appelle Jules…