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miss harriet

à me dire, mais elle n’osait point, et je m’amusais de sa timidité. Quand je partais, le matin, avec ma boîte sur le dos, elle m’accompagnait jusqu’au bout du village, muette, visiblement anxieuse et cherchant ses mots pour commencer. Puis elle me quittait brusquement et s’en allait vite, de son pas sautillant.

Un jour enfin, elle prit courage : « Je vôdré voir vô comment vô faites le peinture ? Volé vô ? Je été très curieux. » Et elle rougissait comme si elle eût prononcé des paroles extrêmement audacieuses.

Je l’emmenai au fond du Petit-Val, où je commençais une grande étude.

Elle resta debout derrière moi, suivant tous mes gestes avec une attention concentrée.

Puis soudain, craignant peut-être de me gêner, elle me dit « Merci » et s’en alla.

Mais en peu de temps elle devint plus familière et elle se mit à m’accompagner chaque jour avec un plaisir visible. Elle apportait sous son bras son pliant, ne voulant point permettre que je le prisse, et elle s’asseyait à mon côté. Elle demeurait là pendant des heures, immobile et muette, suivant de l’œil le bout de mon pinceau dans tous ses mouvements. Quand j’obtenais, par une large plaque de couleur posée brusquement avec le couteau, un effet juste et inattendu, elle poussait malgré elle un petit « Aoh » d’étonne-