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III

Ce fut vraiment une singulière révélation.

Depuis quelque temps je travaillais chaque matin, dès l’aurore, à un tableau dont voici le sujet :

Un ravin profond, encaissé, dominé par deux talus de ronces et d’arbres, s’allongeait, perdu, noyé dans cette vapeur laiteuse, dans cette ouate qui flotte parfois sur les vallons, au lever du jour. Et tout au fond de cette brume épaisse et transparente, on voyait venir, ou plutôt on devinait, un couple humain, un gars et une fille, embrassés, enlacés, elle la tête levée vers lui, lui penché vers elle, et bouche à bouche.

Un premier rayon de soleil, glissant entre les branches, traversait ce brouillard d’aurore, l’illuminait d’un reflet rose derrière les rustiques amoureux, faisait passer leurs ombres vagues dans une clarté argentée. C’était bien, ma foi, fort bien.

Je travaillais dans la descente qui mène au petit val d’Étretat. J’avais par chance, ce matin-là, la buée flottante qu’il me fallait.