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l’héritage

de pain en murmurant : « C’est juste, c’est juste. » Puis il changea la conversation, qui l’ennuyait, et par une pente d’esprit naturelle à tous ceux qui accomplissent chaque jour la même besogne, il demanda : « Le beau Maze a-t-il dû rager de n’avoir pas son avancement, hein ? »

Lesable sourit : « Que voulez-vous ? à chacun selon ses actes ! » Et on causa du ministère, ce qui passionnait tout le monde, car les deux femmes connaissaient les employés presque autant que Cachelin lui-même, à force d’entendre parler d’eux chaque soir. Mlle Charlotte s’occupait beaucoup de Boissel, à cause des aventures qu’il racontait et de son esprit romanesque ; et Mlle Cora s’intéressait secrètement au beau Maze. Elles ne les avaient jamais vus, d’ailleurs.

Lesable parlait d’eux avec un ton de supériorité, comme aurait pu le faire un ministre jugeant son personnel.

On l’écoutait : « Maze ne manque point d’un certain mérite ; mais quand on veut arriver, il faut travailler plus que lui. Il aime le monde, les plaisirs. Tout cela apporte un trouble dans l’esprit. Il n’ira jamais loin, par sa faute. Il sera sous-chef, peut-être, grâce à ses influences, mais rien de plus. Quant à Pitolet, il rédige bien, il faut le reconnaître, il a une élégance de forme qu’on ne peut nier, mais pas de fond. Chez lui tout est en surface. C’est un garçon qu’on ne pour-