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l’héritage

Une détonation fit sauter les deux femmes. Cachelin venait de déboucher le champagne, qui s’échappait avec impétuosité de la bouteille et coulait sur la nappe. Puis les verres furent emplis de mousse, et le patron déclara : « Il est de bonne qualité, on le voit. » Mais comme Lesable allait boire pour empêcher son verre de déborder, César s’écria : « Le roi boit ! le roi boit ! le roi boit ! » Et Mlle Charlotte, émoustillée aussi, glapit de sa voix aiguë : « Le roi boit ! le roi boit ! »

Lesable vida son verre avec assurance, et le reposant sur la table : « Vous voyez que j’ai de l’aplomb ! » puis, se tournant vers Mlle Cora : « À vous, mademoiselle ! »

Elle voulut boire ; mais tout le monde ayant crié : « La reine boit ! la reine boit ! » elle rougit, se mit à rire et reposa la flûte devant elle.

La fin du dîner fut pleine de gaîté, le roi se montrait empressé et galant pour la reine. Puis, quand on eut pris les liqueurs, Cachelin annonça : « On va desservir pour nous faire de la place. S’il ne pleut pas, nous pouvons passer une minute sur la terrasse. » Il tenait à montrer la vue, bien qu’il fit nuit.

On ouvrit donc la porte vitrée. Un souffle humide entra. Il faisait tiède dehors, comme au mois d’avril ; et tous montèrent le pas qui séparait la salle à manger du large balcon. On ne voyait rien qu’une lueur vague planant sur la