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l’héritage

se mettent à rêver, comme s’il leur poussait des ailes. Il était peut-être un peu gris.

Cachelin, parti pour chercher sa pipe, revint en l’allumant : « Je sais, dit-il, que vous ne fumez pas, aussi je ne vous offre point de cigarettes. Il n’y a rien de meilleur que d’en griller une ici. Moi, s’il me fallait habiter en bas, je ne vivrais pas. Nous le pourrions, car la maison appartient à ma sœur ainsi que les deux voisines, celle de gauche et celle de droite. Elle a là un joli revenu. Ça ne lui a pas coûté cher dans le temps, ces maisons-là. » Et, se tournant vers la salle, il cria : « Combien donc as-tu payé les terrains d’ici, Charlotte ? »

Alors la voix pointue de la vieille fille se mit à parler. Lesable n’entendait que des lambeaux de phrase « … En mil huit cent soixante-trois… trente-cinq francs… bâti plus tard… les trois maisons… un banquier… revendu au moins cinq cent mille francs… »

Elle racontait sa fortune avec la complaisance d’un vieux soldat qui dit ses campagnes. Elle énumérait ses achats, les propositions qu’on lui avait faites depuis, les plus-values, etc.

Lesable, tout à fait intéressé, se retourna, appuyant maintenant son dos à la balustrade de la terrasse. Mais comme il ne saisissait encore que des bribes de l’explication, il abandonna brusquement sa jeune voisine et rentra pour tout en-