Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/240

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— Mais je ne sais pas… je t’assure… je n’ai rien vu…

Sa sœur reprit avec sévérité :

— Écoute, il ne faut pas que ça continue ainsi ! S’il veut t’épouser, c’est à papa de réfléchir et de répondre ; mais stil veut seulement plaisanter, il faut qu’il cesse tout de suite.

Alors, brusquement, Charlotte se fâcha, sans savoir pourquoi, sans savoir de quoi. Elle était révoltée maintenant que sa sœur se mêlât de la diriger et de la réprimander ; et elle lui déclara, la voix tremblante et les larmes aux yeux, qu’elle eût à ne jamais s’occuper de ce qui ne la regardait pas. Elle bégayait, exaspérée, prévenue par un instinct vague et sûr de la jalousie éveillée dans le cœur aigri de Louise.

Elles se quittèrent sans s’embrasser et Charlotte pleura dans son lit en pensant à des choses qu’elle n’avait jamais prévues ni devinées.

Peu à peu ses larmes s’arrêtèrent et elle réfléchit.

C’était vrai pourtant que les manières de Gontran étaient changées. Elle l’avait senti jusqu’ici sans le comprendre. Elle le comprenait à présent. Il lui disait, à tout propos, des choses gentilles, délicates. Il lui avait baisé la main, une fois. Que voulait-il ? Elle lui plaisait, mais jusqu’à quel point ? Est-ce que, par hasard, il se pourrait qu’il l’épousât ? Et aussitôt il lui sembla entendre, dans l’air, quelque part, dans la nuit vide où commençaient à voltiger