Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/277

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Les jeunes gens regardaient cela stupéfaits. A leurs pieds se creusait le premier cratère de la Nugère, profonde cuve de gazon au fond de laquelle on voyait encore trois énormes blocs de lave brune, soulevés par le dernier souffle du monstre, puis retombés dans sa gueule expirante, et restés là, depuis des siècles et des siècles, pour toujours.

Gontran cria :

— Moi, je vais au fond. Je veux voir comment ça rend l’âme, ces bêtes-là. Allons, Mesdemoiselles, une petite course sur la pente. Et, saisissant le bras de Louise, il l’entraîna. Charlotte les suivit, courant derrière eux ; puis soudain elle s’arrêta, les regarda fuir, enlacés et bondissants, et, se retournant brusquement, elle remonta vers Christiane et Paul assis sur l’herbe au sommet de la descente. Quand elle les eut rejoints elle tomba sur les genoux et, cachant sa figure dans la robe de la jeune femme, elle se mit à sangloter.

Christiane, qui avait compris, et que tous les chagrins des autres transperçaient depuis quelque temps comme des blessures faites à elle-même, lui jeta ses bras sur le cou et, gagnée aussi par les larmes, elle murmura : « Pauvre petite, pauvre petite ! » L’enfant pleurait toujours, prosternée, la tête cachée et, de ses mains tombées à terre, elle arrachait l’herbe d’un geste inconscient.

Brétigny s’était levé pour ne pas paraître avoir vu, mais cette misère de fillette, cette détresse d’innocente l’emplirent brusquement d’indignation con-