Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

braconnier de bois et de ruisseaux, souvent saisi et condamné, il avait pris des douleurs à ses longs affûts couchés sur l’herbe humide et à ses pêches nocturnes dans les rivières, qu’il parcourait avec de l’eau jusqu’à mi-corps. Maintenant il geignait et déambulait à la manière d’un crabe qui aurait perdu ses pattes. Il allait, traînant par terre la jambe droite comme une loque, et la gauche relevée, pliée en deux. Mais les garçons du pays, qui couraient, à la brune, après les filles ou après les lièvres, affirmaient qu’on rencontrait le père Clovis, rapide comme un cerf et souple comme une couleuvre, sous les buissons et dans les clairières, et que ses rhumatismes n’étaient en somme que de la « farce à gendarmes ». Colosse surtout s’entêtait à soutenir qu’il l’avait vu, non pas une fois, mais cinquante, tendre des collets, ses béquilles sous le bras.

Et le vieil Oriol s’arrêta en face du vieux vagabond, l’esprit frappé par une idée encore confuse, car les conceptions étaient lentes dans sa tête carrée d’Auvergnat.

Il lui dit bonjour ; l’autre répondit bonjour. Puis ils parlèrent du temps, de la vigne fleurie, de deux ou trois choses encore ; mais comme Colosse avait pris de l’avance, son père le rejoignit à grands pas.

Leur source coulait toujours, claire maintenant, et tout le fond du trou était rouge, d’un beau rouge foncé, venu d’un abondant dépôt de fer.

Les deux hommes se regardèrent souriants, puis