Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/97

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour le tirage de la tombola qui avait lieu à deux heures.

Le parc, déjà envahi par les baigneurs et les paysans mêlés, présentait l’aspect d’une fête foraine.

Sous leur kiosque chinois, les musiciens exécutaient une symphonie champêtre, œuvre de Saint-Landri lui-même. Paul, qui accompagnait Christiane, s’arrêta :

— Tiens, dit-il, c’est joli cela. Il a du talent ce garçon. Avec un orchestre, ça ferait un grand effet.

Puis il demanda :

— Aimez-vous la musique, Madame ?

— Beaucoup.

— Moi, elle me ravage. Quand j’écoute une œuvre que j’aime, il me semble d’abord que les premiers sons détachent ma peau de ma chair, la fondent, la dissolvent, la font disparaître et me laissent, comme un écorché vif, sous toutes les attaques des instruments. Et c’est en effet sur mes nerfs que joue l’orchestre, sur mes nerfs à nu, frémissants, qui tressaillent à chaque note. Je l’entends, la musique, non pas seulement avec mes oreilles, mais avec toute la sensibilité de mon corps, vibrant des pieds à la tête. Rien ne me procure un pareil plaisir, ou plutôt un pareil bonheur.

Elle souriait et dit :

— Vous sentez vivement.

— Parbleu ! A quoi servirait de vivre si on ne sentait pas vivement ? Je n’envie pas les gens qui