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mont-oriol

— Est-ce possible ?… Comment ?… Tu crois ?… Si tôt ?…

Elle répondit :

— Oui… c’est possible !…

Alors il sauta dans la chambre et s’écria en se frottant les mains :

— Cristi, cristi, quelle bonne journée !

On frappait de nouveau à la porte. Andermatt l’ouvrit, et une femme de chambre lui dit :

— C’est M. le docteur Latonne qui voudrait parler tout de suite à monsieur.

— C’est bien. Faites-le entrer dans notre salon, j’y vais.

Il retourna dans la pièce voisine. Le docteur parut aussitôt. Il avait un visage solennel, une allure compassée et froide. Il salua, toucha la main que lui tendait le banquier un peu surpris, s’assit et s’expliqua, avec le ton d’un témoin dans une affaire d’honneur.

— Il m’arrive, mon cher monsieur, une aventure fort désagréable, dont je dois vous rendre compte pour vous expliquer ma conduite. Quand vous m’avez fait l’honneur de m’appeler auprès de Madame votre femme, je suis accouru à l’heure même ; or, il paraît que, quelques minutes avant moi, mon confrère, M. le médecin-inspecteur, qui inspire sans doute plus de confiance à Mme Andermatt, avait été mandé par les soins de M. le marquis de Ravenel. Il en est résulté que, venu le second, j’ai l’air d’avoir enlevé par ruse à M. le docteur Bonnefille une cliente qui lui appartenait déjà ; j’ai l’air d’avoir commis un acte indélicat, malséant, inqualifiable de confrère à confrère. Or, il nous faut apporter, monsieur, dans l’exercice de notre art,