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de remèdes sur papier. Il déclara d’un ton roide :

— Soit, docteur. Restons-en là. Mais je souhaite pour vous que cette démarche n’ait pas sur votre carrière une fâcheuse influence. Nous verrons, en effet, lequel de nous deux aura le plus à souffrir de votre résolution.

Le médecin, froissé, se leva, et, saluant avec une grande politesse :

— Ce sera moi, monsieur, je n’en doute pas. Dès aujourd’hui, ce que je viens de faire m’est fort pénible sous tous les rapports. Mais je n’hésite jamais entre mon intérêt et ma conscience.

Et il sortit. Comme il franchissait la porte, il heurta le marquis qui entrait, une lettre à la main. Et M. de Ravenel s’écria, dès qu’il fut seul avec son gendre :

— Tenez, mon cher, voici une chose très ennuyeuse qui m’arrive par votre faute. Le docteur Bonnefille, blessé de ce que vous ayez fait venir son confrère auprès de Christiane, m’envoie sa note avec un mot très sec pour me prévenir que je n’aie plus à compter sur son expérience.

Alors Andermatt se fâcha tout à fait. Il marchait, s’animait en parlant, gesticulait, plein d’une colère inoffensive et factice, de ces colères qu’on ne prend jamais au sérieux. Il criait ses arguments. À qui la faute, après tout ? Au marquis seul qui avait appelé cet âne bâté de Bonnefille sans même prévenir Andermatt, renseigné, grâce à son médecin de Paris, sur la valeur relative des trois charlatans d’Enval !

Et puis, de quoi s’était mêlé le marquis en consultant derrière le dos du mari, du mari seul juge, seul responsable de la santé de sa femme ? Enfin, c’était tous les jours la même chose pour tout ! On ne faisait que