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d’affaires. Il en faisait de toutes sortes et s’entendait à toutes choses avec une souplesse d’esprit, une rapidité de pénétration, une sûreté de jugement tout à fait merveilleuses. Un peu trop gros déjà pour sa taille qui n’était point haute, joufflu, chauve, l’air poupard, les mains grasses, les cuisses courtes, il avait l’air trop frais et malsain, et parlait avec une facilité étourdissante.

Il avait épousé, par adresse, la fille du marquis de Ravenel pour étendre ses spéculations dans un monde qui n’était point le sien. Le marquis, d’ailleurs, possédait environ trente mille francs de revenu, et deux enfants seulement ; mais M. Andermatt, en se mariant, âgé de trente ans à peine, tenait déjà cinq ou six millions ; et il avait semé de quoi en récolter dix ou douze. M. de Ravenel, homme indécis, irrésolu, changeant et faible, repoussa d’abord avec colère les ouvertures qu’on lui faisait pour cette union, s’indignant à la pensée de voir sa fille alliée à un israélite, puis, après six mois de résistance il cédait, sous la pression de l’or accumulé, à la condition que les enfants seraient élevés dans la religion catholique.

Mais on attendait toujours, et aucun enfant ne s’annonçait encore. C’est alors que le marquis, enchanté depuis deux ans des eaux d’Enval, se rappela que la brochure du docteur Bonnefille promettait aussi la guérison de la stérilité.

Il fit donc venir sa fille, que son gendre accompagna pour l’installer, et pour la confier, sur l’avis de son médecin de Paris, aux soins du docteur Latonne. Donc Andermatt l’avait été chercher dès son arrivée ; et il continuait à énumérer les symptômes constatés chez