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ront seulement la maison de la Société Bernoise ; quant au terrain, nous le leur donnons… et ils nous le payeront… en malades. Donc, messieurs, nous obtenons ces avantages multiples de couvrir notre territoire de villas charmantes qui ne nous coûtent rien, d’attirer les premiers médecins du monde et la légion de leurs clients, et surtout de convaincre de l’efficacité de nos eaux les docteurs éminents qui deviendront bien vite propriétaires dans le pays. Quant à toutes les négociations qui doivent amener ces résultats, je m’en charge, messieurs, et je les ferai non pas en spéculateur, mais en homme du monde.

Le père Oriol l’interrompit. Sa parcimonie auvergnate s’indignait de ce terrain donné.

Andermatt eut un mouvement d’éloquence ; il compara le grand agriculteur qui jette à poignées la semence dans la terre féconde, avec le paysan rapace qui compte les grains et n’obtient jamais que des demi-récoltes.

Puis, comme Oriol vexé s’obstinait, le banquier fit voter son conseil et ferma la bouche au vieux avec six voix contre deux.

Alors il ouvrit un grand portefeuille de maroquin et tira les plans de l’établissement nouveau, de l’hôtel et du casino, ainsi que les devis et les marchés tout préparés avec les entrepreneurs pour être approuvés et signés séance tenante. Les travaux devaient être commencés dès le début de l’autre semaine.

Seuls les deux Oriol voulurent voir et discuter. Mais Andermatt irrité leur dit : « Est-ce que je vous demande de l’argent ? Non ! Alors fichez-moi la paix ! Et si vous n’êtes pas contents, nous allons voter encore une fois. »