Page:Maupassant - Mont-Oriol, Ollendorff, 1905.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
195
mont-oriol

— Oh ! ne me parle pas de lui ce soir !

Elle s’étonna :

— Pourquoi ? Il le faut bien pourtant… Oh ! je t’assure qu’il ne tient guère à moi.

Elle avait deviné sa pensée.

Une obscure jalousie, encore inconsciente, s’éveillait en lui. Et soudain, s’agenouillant et lui prenant les mains :

— Écoute, Liane !… Il se tut. Il n’osait pas dire l’inquiétude, le soupçon honteux qui lui venaient ; et il ne savait comment les exprimer.

— Écoute… Liane… Comment es-tu avec lui ?…

Elle ne comprit pas.

— Mais… mais… très bien…

— Oui… je sais… Mais… écoute… comprends-moi bien… C’est… c’est ton mari… enfin… et… et… tu ne sais pas combien je pense à ça depuis tantôt… Combien ça me tourmente… ça me torture… Tu comprends… dis ?

Elle hésita quelques secondes, puis soudain elle pénétra son intention tout entière, et avec un élan de franchise indignée :

— Oh ! mon chéri… peux-tu… peux-tu penser ?… Oh ! Je suis à toi… entends-tu ?… rien qu’à toi… puisque je t’aime… Oh ! Paul !…

Il laissa retomber sa tête sur les genoux de la jeune femme, et, d’une voix très douce :

— Mais… enfin… ma petite Liane… puisque… puisque c’est ton mari… Comment feras-tu ?… Y as-tu songé ?… Dis ?… Comment feras-tu ce soir… ou demain… Car tu ne peux pas… toujours, toujours lui dire : « Non… »