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sera demain alors ?… Pourquoi as-tu tardé si long temps, mon amour ?

Il répondit avec embarras :

— J’ai eu des occupations, des affaires.

Elle se penchait sur lui, murmurant :

— Ça n’était pas bien de me laisser seule ici, avec eux, surtout dans ma situation.

Il écarta un peu sa chaise :

— Prends garde, on pourrait nous voir. Ces fusées éclairent tout le pays.

Elle n’y pensait guère ; elle dit :

— Je t’aime tant !

Puis, avec des tressaillements de joie :

— Oh ! que je suis heureuse, que je suis heureuse de nous retrouver ensemble, ici ! Y songes-tu ? Paul, quelle joie ! Comme nous allons nous aimer encore !

Elle soupira d’une voix si faible qu’elle semblait un souffle :

— J’ai une envie folle de t’embrasser, mais folle… là,… folle. Je ne t’ai pas vu depuis si longtemps !

Puis soudain, avec une énergie violente de femme passionnée, à qui tout doit céder :

— Écoute, je veux… tu entends… je veux aller avec toi, tout de suite, à l’endroit où nous nous sommes dit adieu, l’an dernier ! tu te rappelles bien, sur la route de la Roche-Pradière ?

Il répondit, stupéfait :

— Mais c’est insensé, tu ne peux plus marcher. Tu as été debout toute la journée ! C’est insensé, je ne le permettrai pas.

Elle s’était levée, et elle répéta :

— Je le veux. Si tu ne m’accompagnes pas, j’irai seule.