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mont-oriol

Elle murmura, pour la deuxième fois :

— Te souviens-tu, comme tu m’embrassais par terre ? Nous étions ainsi, regarde.

Et, dans l’espoir qu’il recommencerait, elle se mit à courir pour s’éloigner de lui. Puis elle s’arrêta, haletante, et attendit, debout au milieu de la route. Mais la lune, allongeant son profil sur le sol, y dessinait la bosse de son flanc déformé. Et Paul, regardant à ses pieds l’ombre de sa grossesse, restait immobile en face d’elle, blessé dans ses pudeurs poétiques, exaspéré qu’elle ne sentît pas cela, qu’elle ne devinât point sa pensée, qu’elle n’eût pas assez de coquetterie, de tact et de finesse féminine pour comprendre toutes les nuances qui sont si différentes les circonstances ; et il lui dit, avec une impatience dans la voix :

— Voyons, Christiane, ces enfantillages sont ridicules.

Elle revint à lui, émue, triste, les bras ouverts, et se jetant sur sa poitrine :

— Oh ! tu m’aimes moins. Je le sens ! J’en suis sûre !

Il eut pitié, lui prit la tête et mit sur ses yeux deux longs baisers.

Puis ils revinrent, silencieux. Il ne trouvait rien à lui dire ; et comme elle s’appuyait sur lui, épuisée de fatigue, il hâtait le pas pour ne plus sentir contre sa hanche le frôlement de cette taille élargie.

En approchant de l’hôtel, ils se séparèrent, et elle monta dans sa chambre.

L’orchestre du Casino jouait des airs de danse, et Paul alla voir le bal. C’était une valse, tous valsaient : le docteur Latonne avec Mme Paille la jeune, Andermatt avec Louise Oriol, le joli docteur Mazelli avec