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miracles. Puis, montrant ses mains fines et blanches :

— Avec ça on peut ressusciter des morts.

Et la duchesse ajoutait :

— Le fait est qu’il masse dans la perfection.

Il préconisait aussi les alcools, en petites proportions pour exciter l’estomac à certains moments ; et il faisait des mélanges, savamment combinés, que la duchesse devait boire, à heures fixes, soit avant, soit après ses repas.

On le voyait chaque jour arriver au Café du Casino, vers neuf heures et demie, et demander ses bouteilles. On les lui apportait fermées par de petits cadenas d’argent dont il avait la clef. Il versait un peu de l’une, un peu de l’autre, lentement, dans un verre bleu fort joli que tenait avec respect un valet de pied très correct.

Puis le docteur ordonnait :

— Voilà ! Portez à la duchesse, dans son bain, pour boire avant de s’habiller, en sortant de l’eau.

Et quand on lui demandait avec curiosité : « Qu’est-ce que vous avez là dedans ? » il répondait : « Rien que de l’anisette fine, du curaçao très pur et du bitter excellent. »

Ce beau médecin, en quelques jours, devint le point de mire de toutes les malades. Et toutes les ruses étaient employées pour lui arracher quelques avis.

Quand il passait par les allées du parc, à l’heure de la promenade, on n’entendait que ce cri « Docteur ! » sur toutes les chaises où étaient assises les belles dames, les jeunes dames, qui se reposaient un peu, entre deux verres de la source Christiane. Puis, lorsqu’il s’était arrêté, un sourire sur la lèvre, on l’entraînait quelques instants dans le petit chemin qui longeait la rivière.

On lui parlait d’abord de choses et d’autres, puis dis-