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mont-oriol

Paul, à présent, répondait, s’expliquait ; et, se croyant lié par cette surprise dont il était seul coupable, proposait d’épouser, sans réclamer la moindre dot.

Le père Oriol secouait la tête et les oreilles, faisait répéter, ne comprenait pas. Pour lui, Paul était encore un sans le sou, un cache-misère.

Et, comme Brétigny exaspéré lui hurlait dans le nez :

— Mais j’ai plus de cent vingt mille francs de rentes, vieux crétin. Entendez-vous ?… trois millions !

L’autre demanda tout à coup :

— L’écririez-vous, cha, chur un papier ?

— Mais oui, je l’écrirais !

— Et vous le chigneriez ?

— Mais oui, je le signerais !

— Chur un papier de notaire ?

— Mais oui, sur un papier de notaire !

Alors, se levant, il ouvrit son armoire, en tira deux feuilles marquées du timbre de l’État et, cherchant l’engagement qu’Andermatt, quelques jours auparavant avait exigé de lui, il rédigea une bizarre promesse de mariage où il était question de trois millions garantis par le fiancé, et au bas de laquelle Brétigny dut apposer sa signature.

Quand Paul se retrouva dehors, il lui sembla que la terre ne tournait plus dans le même sens. Donc, il était fiancé malgré lui, malgré elle, par un de ces hasards, par une de ces supercheries des événements qui vous ferment toute issue. Il murmurait : « Quelle folie ! » Puis il pensa : « Bah ! je n’aurais pu trouver mieux, peut-être, par le monde entier. » Et il se sentait joyeux au fond du cœur, de ce piège de la destinée.