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mont-oriol

Dieppe, Êtretat, Trouville, Biarritz, Cannes, Nice. On y rencontre des échantillons de tous les peuples, de tous les mondes, des rastaquouères admirables, un mélange de races et de gens introuvable ailleurs, et des aventures prodigieuses. Les femmes y font des farces avec une facilité et une promptitude exquises. À Paris, on résiste ; aux eaux, on tombe, vlan ! Les hommes y trouvent la fortune, comme Andermatt ; d’autres y trouvent la mort, comme Aubry-Pasteur ; d’autres y trouvent pis que ça… et s’y marient… comme moi… et comme Paul. Est-ce bête et drôle, cette chose-là ? Tu savais le mariage de Paul, n’est-ce pas ?

Elle murmura :

— Oui, William me l’a dit tantôt.

Gontran reprit :

Il a raison, très raison. C’est une fille de paysan… Eh bien, quoi, elle vaut mieux qu’une fille d’aventuriers, ou qu’une fille tout court. Je connais Paul. Il aurait fini par épouser une gueuse, pourvu qu’elle lui eût résisté six semaines. Et, pour lui résister, il fallait une rosse ou une innocente. Il est tombé sur l’innocente. Tant mieux pour lui.

Christiane écoutait, et chaque mot entrant dans son oreille lui allait jusqu’au cœur, et lui faisait mal, un mal horrible.

Elle dit, en fermant les yeux :

— Je suis bien fatiguée. Je voudrais me reposer un peu.

Ils l’embrassèrent et partirent.

Elle ne put dormir, tant sa pensée s’était réveillée active et torturante. Cette idée qu’il ne l’aimait plus, plus du tout, lui devenait tellement intolérable, que si