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maladie, parbleu ; cela ne prouve pas que l’eau d’En val guérisse les affections d’estomac.

Il semblait furieux, exaspéré de ce nouvel essai inutile.

Mais M. Monécu prit aussi la parole au nom de sa fille et affirma que, depuis huit jours, elle commençait à tolérer les aliments sans être obligée de sortir à chaque repas.

Et sa grande fille rougit, le nez dans son assiette.

Les dames Paille également se trouvaient mieux.

Alors Riquier se fâcha, et, se tournant brusquement vers les deux femmes :

— Vous avez mal à l’estomac, vous, mesdames ?

Elles répondirent ensemble :

— Mais, oui, monsieur. Nous ne digérons rien.

Il faillit s’élancer de sa chaise, en balbutiant :

— Vous… vous… Mais il suffit de vous regarder. Vous avez mal à l’estomac, vous, mesdames ? C’est-à-dire que vous mangez trop.

Mme Paille mère devint furieuse et répliqua :

Pour vous, monsieur, ça n’est pas douteux, vous montrez bien le caractère des gens qui ont l’estomac perdu. On n’a pas tort de dire que les bons estomacs font les hommes aimables.

Une vieille dame très maigre, dont personne ne savait le nom, dit avec autorité :

— Je crois que tout le monde se trouverait mieux des eaux d’Enval si le chef de l’hôtel se souvenait un peu qu’il fait la cuisine pour des malades. Vraiment, il nous donne des choses impossibles à digérer.

Et, soudain, toute la table tomba d’accord. Ce fut une indignation contre l’hôtelier qui servait des lan-