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plaît, à monsieur votre père, un des hommes les plus distingués que j’aie rencontrés dans ma carrière.

Elle sortit enfin, ennuyée déjà de cette obsession, et devant la porte elle aperçut le marquis qui causait avec Andermatt, Gontran et Paul Brétigny.

Son mari, dans la tête de qui toute idée nouvelle bourdonnait sans repos, comme une mouche dans une bouteille, racontait l’histoire du paralytique, et voulait retourner voir si le vagabond prenait son bain.

On y alla, pour lui plaire.

Mais Christiane, tout doucement, retint son frère en arrière, et, lorsqu’ils furent un peu loin des autres :

— Dis donc, je voulais te parler de ton ami ; il ne me plaît pas beaucoup, à moi. Explique-moi au juste ce qu’il est.

Et Gontran, qui connaissait Paul depuis plusieurs années, raconta cette nature passionnée, brutale, sincère et bonne, par élans.

C’était, disait-il, un garçon intelligent, dont l’âme brusque se jetait dans les idées avec impétuosité. Cédant à toutes ses impulsions, ne sachant ni se maîtriser, ni se diriger, ni combattre une sensation par un raisonnement, ni gouverner sa vie avec une méthode faite de convictions méditées, il obéissait à ses entraînements, excellents ou détestables, dès qu’un désir, dès qu’une pensée, dès qu’une émotion quelconque troublait sa nature exaltée.

Il s’était battu déjà sept fois en duel, aussi prompt à insulter les gens qu’à devenir ensuite leur ami ; il avait eu des furies d’amour pour des femmes de toutes classes, adorées avec un égal emportement, depuis