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mont-oriol

Oriol et son fils, debout, contemplaient le vagabond qui trempait dans son trou, assis sur une pierre, avec de l’eau jusqu’au menton. On eût dit un supplicié d’autrefois, condamné pour quelque crime étrange de sorcellerie ; et il n’avait point lâché ses béquilles baignées à côté de lui.

Andermatt, ravi, répétait :

— Bravo, bravo ! voilà un exemple que devraient suivre tous les gens du pays qui souffrent de douleurs.

Et, se penchant sur le bonhomme, il lui cria comme s’il eût été sourd :

— Êtes-vous bien ?

L’autre, qui semblait abruti complètement par cette eau brûlante, répondit :

— Il me chemble que je fonds. Bougrre, qu’elle est chaude !

Mais le père Oriol déclara :

— Plus qu’elle est chaude, plus que t’iras bien.

Une voix dit, derrière le marquis :

— Qu’est-ce que c’est que cela ?

Et M. Aubry-Pasteur, soufflant toujours, s’arrêta, au retour de sa promenade quotidienne.

Alors Andermatt expliqua son projet de guérison.

Mais le vieux répétait :

— Bougrre, qu’elle est chaude !

Et il voulait sortir, demandant de l’aide pour le tirer de là.

Le banquier finit par le calmer en lui promettant vingt sous de plus par bain.

On faisait cercle autour du trou où flottaient les haillons grisâtres dont était couvert ce vieux corps.

Une voix dit :