Page:Maupassant - Théâtre, OC, Conard, 1910.djvu/195

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Jacques de Randol, riant.

N’en doutez pas.

Madame de Sallus, songeant.

Non,… non, vous vous trompez.

Jacques de Randol.

La Santelli résiste et l’affole. Alors, ayant le cœur plein de tendresse, sans débouché, il vous en offre une partie.

Madame de Sallus.

Mon cher, vous rêvez !… S’il était amoureux de la Santelli, il ne me dirait pas qu’il m’aime… S’il était éperdument préoccupé de cette cabotine, il ne me ferait pas la cour, à moi. S’il la convoitait violemment, enfin, il ne me désirerait pas, en même temps.

Jacques de Randol.

Ah ! comme vous connaissez peu certains hommes ! Ceux de la race de votre mari, quand une femme a jeté en leur cœur ce poison, l’amour, qui n’est pour eux que du désir brutal, quand cette femme leur échappe, ou leur résiste, ils ressemblent à des chiens devenus enragés. Ils vont devant eux comme des fous, comme des possédés, les bras ouverts, les lèvres tendues. Il faut qu’ils aiment n’importe qui, comme le chien ouvre la gueule et mord n’importe qui, n’importe quoi. La Santelli a déchaîné la bête et vous vous trouvez à portée de sa dent, prenez garde. Ça de l’amour ? non ; si vous voulez, c’est de la rage.