Page:Maupassant - Théâtre, OC, Conard, 1910.djvu/235

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Jacques de Randol.

Oui, mais un coup de sonnette me fait toujours me lever, et, rentrant chez vous, vous pourriez vous dispenser de vous annoncer comme les autres.

M. de Sallus.

Je ne comprends pas très bien.

Jacques de Randol.

C’est fort simple. Quand je vais chez les gens qui me plaisent comme Mme de Sallus, ou comme vous, je ne tiens nullement à me rencontrer chez eux avec le tout-Paris qui passe ses après-midi à semer des fleurs d’esprit de salon en salon. Je connais ces fleurs et ces semences. Il suffit de l’entrée d’une de ces dames ou d’un de ces hommes pour me gâter tout le plaisir que j’ai eu en trouvant seule la femme que j’étais venu voir. Or, quand je me suis laissé pincer sur mon siège, je suis perdu ; je ne sais plus m’en aller, je me laisse prendre dans l’engrenage de la conversation courante ; et comme j’en connais toutes les demandes et toutes les réponses, mieux que celles du catéchisme, je ne peux plus m’arrêter : il faut que j’aille jusqu’au bout, jusqu’à la dernière considération sur la pièce, ou le livre, ou le divorce, ou le mariage, ou la mort du jour. Vous comprenez alors pourquoi je me lève brusquement à toutes les menaces de la sonnette ?

M. de Sallus, riant.

C’est très vrai, ce que vous dites. Nos maisons