Page:Maupassant - Théâtre, OC, Conard, 1910.djvu/263

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point, aussi blonde que sa mère est brune, admirable rejeton d’aventurière poussé sur le fumier de ce monde-là.

LÉON SAVAL.

Et le moral ?

JEAN DE SERVIGNY.

Je ne sais pas, on ne sait pas. Naïve ou rouée ? impossible de le dire, peut-être les deux. Il y a des jours où je la crois une sainte, et d’autres où je la crois une rosse. J’éprouve un entraînement irraisonné vers sa candeur possible et une méfiance très raisonnable contre sa rouerie non moins probable. Elle dit des choses à faire frémir une armée, mais les perroquets aussi. Elle est parfois imprudente à me faire croire à sa candeur immaculée et parfois niaise, d’une niaiserie invraisemblable à me faire douter qu’elle ait jamais été naïve. Elle provoque comme une courtisane et se garde comme une vierge. Je ne sais pas. Mais tu vas la voir.

LÉON SAVAL.

Tiens, ça commence à m’amuser d’aller là-dedans.

JEAN DE SERVIGNY.

Tu sais que je vais te présenter sous le nom de comte Saval.

LÉON SAVAL.

Ah ! mais non, par exemple.

JEAN DE SERVIGNY.

Pourquoi ?

LÉON SAVAL.

Je ne veux pas être ridicule.