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une répétition


madame destournelles, effarée.

C’est trop. On vous croirait la cervelle égarée ;
Et la diction même a l’air exagérée.
La porte du fond s’ouvre sans bruit, et M. Destournelles apparaît, tenant à chaque main un écrin à bracelet. Il s’arrête et écoute sans être vu.

rené

Oui, c’est vrai, mon esprit s’égare, je suis fou !
Quand on lâche un cheval, la bride sur le cou,
Il s’emporte, et voilà ce qu’a fait ma pensée ;
Jusqu’ici je l’avais tenue et terrassée,
Mais elle a, près de vous, des élans trop puissants.
Je ne puis exprimer les ardeurs que je sens !
Oui, je vous aime, et j’ai la lèvre torturée
Du besoin de toucher votre bouche adorée ;
Et mes bras, malgré moi, s’ouvrent pour vous saisir,
Tant me pousse vers vous un immense désir.

madame destournelles, lui échappant.

Je me fâche. Cessez cette plaisanterie.

rené, se traînant à ses pieds.

Je vous aime, je vous aime.

madame destournelles, effrayée.

Je vous aime, je vous aime.Assez, ou je crie.

rené, avec accablement.

Pardon.