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histoire du vieux temps


Avec plus d’un mari ; car une belle dame,
Un soir que nous causions, m’a raconté, tout bas,
Que tous les cœurs sauraient au seul bruit de vos pas.
Si l’on ne m’a menti, vous avez été page,
Grand coureur de ruelle et faiseur de tapage ;
Et vous avez dormi quatre mois en prison
Pour un certain manant pendu dans sa maison,
Lequel avait, dit-on, femme jeune et jolie.
La femme d’un manant, comte, quelle folie !
Quatre mois en prison pour cela ! C’eût été
Dame de haute race et de grande beauté,
Soit… — Voyons, trouvez-moi quelque galante histoire
De grande dame ; amour romanesque, et l’armoire
Classique où le mari, dans ses retours subits,
Surprend l’amant transi parmi les vieux habits.

le comte

Et pourquoi donc toujours, toujours la grande dame ?
Les autres, cependant, plaisent aussi : la femme
Est faite pour charmer, qu’elle soit noble ou non.
La grâce est sans aïeux et la beauté sans nom.

la marquise

Merci ! Je ne veux point de vos amours banales.
Vous avez autre chose au fond de vos annales,
Cher comte, et maintenant, je vous écoute. — Allez !

le comte

Il faut vous obéir, puisque vous le voulez.
Ah ! certes, le proverbe est bien vrai, sur mon âme,
Qui prétend que Dieu veut ce que veut une femme.