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histoire du vieux temps


Entre nous, que la femme est une enfant gâtée.
On l’a trop adulée, et surtout trop chantée.
Ses flatteurs attitrés, les faiseurs de sonnets,
Lui versant tout le jour, comme des robinets,
Compliments distillés au suc de poésie,
En ont fait un enfant gonflé de fantaisie.
Aime-t-elle du moins ? Point du tout ; il lui faut,
Non l’amour de vingt ans, et dont le seul défaut
Est d’aimer saintement, comme on aime à cet âge,
Mais un roué ; celui qu’on regarde au passage
Avec étonnement et presque avec respect,
Toute femme s’émeut et tremble à son aspect,
Parce qu’il est, mérite assurément fort rare,
Le premier séducteur de France et de Navarre !
Non qu’il soit jeune, non qu’il soit beau, non qu’il ait
De grandes qualités… rien ; mais cet homme plait
Parce qu’il a vécu. Voilà la chose étrange ;
Et c’est ainsi pourtant que l’on séduit cet ange !
Mais quand un autre vient demander, par hasard,
De quel tribut payer l’aumône d’un regard,
Elle lui rit au nez et demande la lune !
Et, vous le savez bien, je ne parle pas d’une,
Mais de beaucoup.

la marquise

Mais de beaucoup. C’est très galant ; encor merci !
À mon tour, à présent, écoutez bien ceci :
Un vieux renard perclus, mais de chair fraîche avide,
Rôdait, certaine nuit, triste et le ventre vide ;
Il allait, ruminant ses festins d’autrefois,
La poulette surprise un soir au coin d’un bois,
Et le souple lapin qu’on prenait à la course.