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musotte.

moi ; mais il s’agit de Jean… J’hésite encore pourtant… C’est si grave… Et puis, ce secret n’est pas à moi, je l’ai surpris.

Léon.

Dites donc vite, et ne doutez pas de moi.

Martinel.

Je ne doute pas de vous. Tenez, voici cette lettre. Elle est du docteur Pellerin, le médecin de Jean, son ami, notre ami, un toqué, un viveur, un médecin de jolies femmes, mais incapable d’écrire ceci sans nécessité absolue. (Il passe la lettre à Léon qui la lit tout haut.)

Léon.

« Mon cher ami, je suis désolé d’avoir à vous communiquer, surtout ce soir, ce que je suis obligé de vous dévoiler. Mais je me dis pour m’absoudre que si j’agissais autrement, vous ne me le pardonneriez peut-être pas. Votre ancienne maîtresse, Henriette Lévêque, est mourante et veut vous dire adieu. (Il jette un regard à Martinel, qui lui fait signe de continuer.) Elle ne passera pas la nuit. Elle meurt après avoir mis au monde, voilà une quinzaine de jours, un enfant que, au moment de quitter cette terre, elle jure être de vous. Tant qu’elle n’a couru aucun danger, elle était décidée à vous laisser ignorer l’existence de cet enfant. Aujourd’hui condamnée, elle vous appelle. Je sais combien vous avez aimé cette femme. Vous agirez comme vous le penserez. Elle demeure rue Chaptal, 31. Je vous serre les mains, mon cher ami. »