Page:Maupassant - Voyage de noce, paru dans Le Gaulois, 18 août 1882.djvu/7

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monstrueux, le poisson de bois aux nageoires de fer. Elles passaient à gauche, revenaient à droite du navire, et toujours, tantôt ensemble, tantôt l’une après l’autre, comme dans un jeu, dans une poursuite gaie, elles s’élançaient en l’air par un grand saut qui décrivait une courbe, puis elles replongeaient à la queue leu-leu.

Et je battais des mains, ravie à chaque apparition des énormes et souples nageurs. Oh ! ces poissons, ces gros poissons ! J’ai gardé d’eux un souvenir délicieux. Pourquoi ? Je n’en sais rien, rien du tout. Mais ils sont restés là, dans mon regard, dans ma pensée et dans mon cœur.

Tout à coup ils disparurent. Je les aperçus encore une fois, très loin, vers la pleine mer ; puis je ne les vis plus, et je ressentis, pendant une seconde, un chagrin de leur départ.

Le soir venait, un soir calme, doux, radieux, plein de clarté, de paix heureuse. Pas un frisson dans l’air ou sur l’eau ; et ce repos illimité de la mer et du ciel s’étendait à mon âme engourdie, où pas un frisson non plus ne passait. Le