Aller au contenu

Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Faussé avec un c, humaine sans h, dit le marquis qui lisait par-dessus l’épaule de Coq.

« Nous dirons… » continua Coq…

— Dis-le au moins avec une seule r. Tu écris : « dirrons. »

— Que c’est bête l’orthographe, tout de même ! fit Coq ; on voit bien que ce sont les réactionnaires qui l’ont inventée.

L’entrée subite de Léon Gaupin dans le bureau de la rédaction interrompit la lecture.

— C’est à s’ouvrir le ventre avec un tesson de bouteille ! s’écria le jeune homme en jetant avec désespoir sur la table un manuscrit qu’il tenait à la main. Voilà les Noces vénitiennes que je retrouve chez ma concierge en rentrant. Un manuscrit remis par moi l’autre jour, au tripot, à cette canaille de directeur des Délassements-Comiques, qui a gagné deux mille francs en jouant dans mon jeu. Quelle atroce déveine ! Et ce matin, blacboulé au Vaudeville ! Mon Dieu ! à quels sortilèges infernaux faut-il donc avoir recours pour faire recevoir une pièce dans un théâtre ? Faut-il s’être frotté d’une graisse particulière comme pour approcher de certains animaux, faut-il avoir avalé des étoupes, fait bouillir des petits enfants dans une marmite ? Il y a certainement un truc ; mais quel est-il ? dit le malheureux jeune homme en s’arrachant les cheveux.

— Allons, mon cher Léon, un peu de courage, un peu de patience, lui dit en essayant de le consoler Karl Elmerich qui venait de rentrer.

— Ah ! oui, parlons en, ça va bien aussi ton opéra, répondit Léon Gaupin, qui pleurait de rage.

— Tout ça, ça ne fait pas faire le journal, cria Coq,