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Page:Maurice Maeterlinck - L'intelligence des fleurs, 1922.djvu/107

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L’INTELLIGENCE DES FLEURS

garde la mémoire de quelques beaux arbres ? Quand on a dépassé le milieu de la vie, quand on arrive au bout de la période émerveillée, qu’on a épuisé à peu près tous les spectacles que peuvent offrir l’art, le génie et le luxe des siècles et des hommes, après avoir éprouvé et comparé bien des choses, on en revient à de très simples souvenirs. Ils dressent à l’horizon purifié, deux ou trois images innocentes, invariables et fraîches, qu’on voudrait emporter dans le dernier sommeil, s’il est vrai qu’une image puisse passer le seuil qui sépare nos deux mondes. Pour moi, je n’imagine pas de paradis, ni de vie d’outre-tombe si splendide qu’elle devienne, où ne serait point à sa place tel magnifique Hêtre de la Sainte-Baume, tel Cyprès ou tel Pin-parasol de Florence ou d’un humble ermitage voisin de ma maison, qui donnent au passant le modèle de tous les grands mouvements de résistance nécessaire, de courage paisible, d’élan, de gravité, de victoire silencieuse et de persévérance.