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Page:Maurice Maeterlinck - L'intelligence des fleurs, 1922.djvu/153

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L’INQUIÉTUDE DE NOTRE MORALE

creusé. Ce qui n’était autrefois que de l’altruisme et de l’égoïsme instinctifs, diffus, aux flots souvent mêlés, est devenu récemment l’altruisme et l’égoïsme absolus et systématiques. À leurs sources, non pas renouvelées mais remuées, se trouvent deux hommes de génie : Tolstoï et Nietsche. Mais, comme je l’ai dit, ce n’est qu’en apparence que ces deux doctrines se partagent le monde de l’éthique. Ce n’est nullement à l’un ou l’autre de ces points trop extrêmes que se joue le véritable drame de la conscience moderne. Ils ne marquent guère, perdus dans l’espace, que deux buts chimériques, auxquels personne ne songe à arriver. L’une de ces doctrines reflue violemment vers un passé qui n’exista jamais tel qu’elle se le représente ; l’autre bouillonne cruellement vers un avenir que rien ne fait prévoir. Entre ces deux rêves, les enveloppant d’ailleurs et les débordant de toutes parts, passe la réalité dont ils n’ont point tenu compte. C’est dans cette réalité