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Page:Maurice Maeterlinck - L'intelligence des fleurs, 1922.djvu/216

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À PROPOS DU ROI LEAR

exclusives et excessives, sont fondés sur une anecdote plus ou moins absurde) disparaît dans la grandiose magnificence de l’altitude où elle évolue. Étudiez de près la structure de cette cime : elle est uniquement formée d’énormes stratifications humaines, de gigantesques blocs de passion, de raison, de sentiments généraux et presque familiers, bouleversés, accumulés, superposés par une tempête formidable, mais profondément propre à ce qu’il y a de plus humain dans la nature humaine.

C’est pourquoi le Roi Lear demeure la plus jeune des grandes œuvres tragiques, la seule où le temps n’ait rien flétri. Il faut un effort de notre bonne volonté, un oubli de notre situation et de nos certitudes actuelles pour que nous puissions sincèrement et complètement nous émouvoir au spectacle d’Hamlet, de Macbeth ou d’Œdipe. Au contraire, la colère, les rugissements de douleur, les malédictions prodigieuses du vieillard et du père bafoué semblent sortir de notre